Le territoire communal
La démographie
La population
Christian Vandermotten
Une commune peu densément peuplée
Avec une population de 25 295 habitants en 2024 (2,0 % de la population régionale), répartis sur 12,93 km², Watermael-Boitsfort est la commune la moins densément peuplée de la Région de Bruxelles-Capitale (1 951 hab./km², pour une moyenne régionale de 7 743). Même en excluant le territoire couvert par la forêt de Soignes et le plateau de la Foresterie (il reste alors une superficie de 5,12 km2), la densité n’est toujours que de 4 923 hab./km2. La commune partage alors encore avec Uccle et Woluwé Saint-Pierre les plus faibles densités parmi les communes bruxelloises, hors espaces forestiers.
L'évolution de la population
L’évolution de la population de Watermael-Boitsfort peut être saisie à travers quelques dénombrements au XVIIIe siècle (1709, 1732, 1755, 1784), puis pendant les périodes française (1800, 1806, 1811) et hollandaise (1816, 1818, 1820) et immédiatement après l’indépendance de la Belgique (1831). Le premier recensement scientifique date de 1846. Il est suivi par ceux de 1856, 1866, 1880, 1890, 1900, 1910, 1920, 1930, 1947, 1961, 1970, 1981, 1991. Pour les années, suivantes, les données sont construites sur la base du registre national.
Les dénombrements du XVIIIe siècle sont exécutés au niveau des paroisses et donc Watermael et Auderghem sont regroupés, Boitsfort étant néanmoins comptabilisé séparément. Toutefois, les chiffres pour Watermael-Auderghem ne tiennent pas compte des couvents de Val Duchesse et du Rouge-Cloître, qui ne relevaient pas de la juridiction paroissiale et sont comptés à part en 1732 et 1754 (peut-être pas en 1709 ?). Nous avons donc ajouté à la population paroissiale pour ces deux dates respectivement 34 et 112 personnes relevant de ces institutions religieuses. Les couvents des ordres contemplatifs ayant été abolis par Joseph II en 1783, la question ne se pose plus pour 1784.
Le recensement de 1846 subdivise les communes : dans notre cas, il distingue Auderghem, Watermael et Boitsfort. Ce n’est plus le cas pour les recensements suivants : Auderghem apparaît évidemment en tant que telle à partir de la création de la commune en 1863, mais la répartition de la population entre Watermael et Boitsfort n’est plus connue avant 1981[1].
[1]Le recensement de 1970 divise déjà les communes en secteurs statistiques, mais leur découpage ne se superpose pas parfaitement aux limites entre Boitsfort et Watermael.
Graphique 1. évolution de la population de Watermael-Boitsfort-Auderghem par comparaison à celle de la ville de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale (échelle logarithmique).
L’échelle logarithmique permet de lire aisément les rythmes de croissance, rendus par la pente des courbes. La courbe de la Ville Bruxelles a été arrêtée en 1920, avant l’annexion de Laeken, Neder-over-Hembeek et Haren.
Graphique 2. Evolution de la population de Watermael-Boitsfort-Auderghem aux XVIIIe et XIXe siècles.
A travers le XVIIIe siècle et jusqu’à la fin de l’Ancien régime, la population de Watermael-Boitsfort-Auderghem augmente modestement. Cette croissance est surtout le fait de Boitsfort, en particulier durant la seconde moitié du siècle, peut-être en lien avec l’attention portée par l’administration de Charles de Lorraine à l’exploitation forestière, et d’Auderghem, qui se développe le long de la chaussée de Wavre. En revanche, la population de Watermael reste de loin la plus faible des trois noyaux villageois. Les 1 618 habitants de Watermael-Boitsfort-Auderghem en 1754 se subdiviseraient ainsi : 632 à Boitsfort, 600 à Auderghem, 274 à Watermael et 112 pour les deux institutions religieuses de Rouge-Cloître et Val Duchesse.
La baisse de la population dans les premières années du régime français pourrait s’expliquer par une situation troublée et, à Boitsfort, par la perte du statut de siège de la chasse ducale (et pour la ville de Bruxelles par sa rétrogradation au rang de simple préfecture), mais elle pourrait aussi refléter partiellement un sous-enregistrement de la population en 1800, résultant des balbutiements de la mise en place de l’administration, voire d’une méfiance des administrés (ou de la crainte de la conscription) les amenant à se soustraire au dénombrement.
La croissance de la population de Watermael-Boitsfort-Auderghem s’accélère quelque peu entre 1820 et 1846 (en lien avec les défrichements de la forêt ou avec l’implantation des premières « campagnes » ?), puis stagne jusqu’au début des années 1870.
Graphique 3. évolution de la population de Watermael-Boitsfort et d’Auderghem à partir de la seconde moitié du XIXe siècle.
A partir des années 1870, la croissance s’accélère et devient très vigoureuse dans les années 1890 jusqu’au début des années 1960 : Watermael-Boitsfort et Auderghem sont dès ce moment pleinement inclus dans la dynamique de la périphérie bruxelloise. Cela s’est fait d’abord à travers le développement des villas, des promenades, qui entraînent celui des cafés, restaurants et brasseries, mais aussi d’une navette d’ouvriers vers Bruxelles, en particulier dans le bâtiment ; ensuite ce sera la véritable inclusion dans les faubourgs. L’accélération de la croissance intervient à Watermael-Boitsfort et à Auderghem en même temps qu’à Uccle, mais une dizaine d’années plus tôt qu’à Woluwé Saint-Pierre et Saint-Lambert. Watermael-Boitsfort connaîtra deux pics de croissance de sa population : à un taux annuel moyen de 3,6 % entre 1866 et 1880, donc déjà bien avant l’arrivée du tramway, mais après celle du chemin de fer ; de 4,8 % entre 1920 et 1930 (époque de la création des cités-jardins du Logis et de Floréal). Deux pics aussi à Auderghem : 4,9 % entre 1900 et 1910 et 4,5 % entre 1920 et 1930.
La croissance de Watermael-Boitsfort et d’Auderghem ralentit dans les années 1960, pour stagner, voire devenir négative à partir des années 1970. L’espace urbanisable est saturé, la périurbanisation se poursuit en dehors des limites de la Région, la population vieillit, dans des communes où l’immigration étrangère est peu présente et ne rajeunit donc pas les structures d’âge. Toutefois, à la différence d’Auderghem dont la population diminue entre 1971 et le milieu des années 1990, tout comme celle de la Région, celle de Watermael-Boitsfort se limite à stagner. Mais à l’inverse, Watermael-Boitsfort n’a que très peu bénéficié de la reprise démographique de la Région depuis le milieu des années 1990 : elle n’a pas été touchée par le rajeunissement qu’ont connu les quartiers centraux gentrifiés ni surtout ceux qui ont fixé l’immigration étrangère issue des pays pauvres.
La répartition infra-communale
La part de loin la plus forte de la croissance de la population de Watermael-Boitsfort à travers la seconde moitié du XIXe siècle et les trois premiers quarts du XXe a eu lieu sur Watermael. Les espaces libres y étaient bien plus vaste qu’à Boitsfort, où de grandes propriétés en bordure d’étangs et de la forêt ont échappé au lotissement : entre 1846 et 1981, la population de Watermael a été multipliée par 41, alors que celle de Boitsfort ne l’a été que par 4.
Carte 1. Répartition des densités de population par grands quartiers dans la région de Bruxelles-Capitale (2024).
Source : Monitoring des quartiers IBSA.
Carte 2. Répartition de la population de Watermael-Boitsfort par secteur statistique (2024).
Données : STATBEL.
Une carte par secteurs statistiques précise la répartition fine de la population à l’intérieur de la commune. Les zones les plus densément peuplées correspondent à des espaces de logements sociaux denses (rue de l’Élan) et aux anciens noyaux de Watermael, y compris le quartier de l’avenue de Visé (> 10 000 hab./km²), et dans une moindre mesure de Boitsfort, avec le Coin du Balai (de l’ordre de 7 500 hab./km2). Des densités intermédiaires, de l’ordre de 4 500 à 7 000 hab./km²) caractérisent les quartiers résidentiels qui se sont développés dès avant la Seconde Guerre mondiale entre les noyaux villageois de Watermael et de Boitsfort (Wiener, Bouleaux, Tenderie, Dries-Futaie), mais aussi les cités-jardins du Logis-Floréal. Les densités les plus basses, si l’on excepte évidemment le stade des Trois Tilleuls, les étangs et la forêt, se rencontrent sur l’axe Souverain-Delleur-chaussée de La Hulpe. Les concentrations d’habitants dans les grands ensembles construits dans les années 1960 et 1970 (Martin-Pêcheurs, Pêcheries, Héronnière) sont compensées par le maintien dans ces mêmes quartiers de parcs et d’étangs.
L’évolution de la population depuis 1970 à l’échelle infra-communale montre que la tendance à la stagnation du nombre d’habitants est partagée par l’ensemble des quartiers. Quelques phases de hausse apparaissent néanmoins : la construction de nouveaux immeubles en hauteur entraîne une croissance de la population à Watermael-centre durant les années 1970, et ce phénomène impacte aussi la croissance dans des secteurs comme les Pêcheries et la Héronnière jusque dans la décennie 1980. On peut remarquer une croissance dans les quartiers Béguinettes, Boitsfort-centre et Coin du Balai durant les années 1990, traduisant leur gentrification et le remplacement progressif de leur vieux habitants. Enfin, le vieillissement a progressivement réduit la population du Logis-Floréal jusque dans les années 2010, d’autant que de nombreuses habitations ont été vidées de leurs occupants en attendant une rénovation, en particulier à Floréal. Les impacts conjugués de l’avancement de ces rénovations et des nouvelles politiques d’accès au logement social y entraînent depuis une hausse de la population.
Graphique 4. évolution de la population par groupes de secteurs statistiques (1970-2024).
Les évolutions entre 1970 et 1981 sont assez incertaines. Elles résultent d’estimations, les limites des secteurs statistiques ayant été modifiées entre ces deux dates. Sources : STATBEL et IBSA.
Une population en moyenne aisée et vieillie
La Région de Bruxelles a été divisée en grands quartiers à des fins statistiques par l’IBSA, l’Institut bruxellois de statistiques et d’analyses. Ces quartiers ont été délimités sur la base de leur homogénéité, de centralités locales et de ruptures induites par les grandes infrastructures routières ou ferroviaires. Ils ne se superposent pas exactement aux limites communales. Watermael-Boitsfort est concerné par 5 quartiers (hors forêt de Soignes) : Boitsfort-Centre, Watermael-Centre et Trois Tilleuls (ces deux derniers débordant légèrement sur Auderghem, jusqu’à l’autoroute de Namur et au viaduc Hermann-Debroux), Dries (qui inclut les portions d’Ixelles et de Bruxelles situées au sud de la ligne de chemin de fer de ceinture) et une petite partie de Boondael (le territoire de Watermael-Boitsfort situé au nord du chemin de fer de ceinture), le reste de ce quartier concernant Ixelles et Bruxelles.
Carte 3. Répartition du revenu équivalent médian par habitant après impôts dans la région de Bruxelles-Capitale (2021).
Source : Monitoring des quartiers IBSA.
La richesse de la population est approchée par le revenu équivalent médian par habitant après impôts. Watermael-Boitsfort apparaît en troisième position parmi les communes de la Région dont les habitants sont les plus aisés, derrière Woluwé Saint-Pierre et Uccle et devant Auderghem et Ixelles, et ceci malgré le fait que la commune dispose du parc de logements sociaux de loin le plus important de la Région (16,8 % des logements, suivie par Evere, 11,8 %, et Ganshoren, 11,0 %, pour une moyenne régionale de 6,8 %). Dans le cadre des quartiers définis par l’IBSA, on peut observer que les revenus médians ne sont plus faibles que là où le logement social est le plus abondant (Boondael, mais hors du territoire de la commune, et Dries, avec l’ensemble de la rue de l’élan), voire domine (Trois Tilleuls). Mais même le revenu des habitants des cités-jardins du Logis-Floréal est supérieur à celui des occupants du logement social bruxellois en général, héritage de leur statut coopératif, même si cette différence tend à s’affaiblir progressivement de par l’homogénéisation des règles d’accès au logement social à l’échelle de la Région.
Graphique 5. Pyramide des âges de Watermael-Boitsfort, par comparaison, avec la Région de Bruxelles-capitale, en 1947, 1961, 2002 et 2024.
Sources : INS (STATBEL) et IBSA.
Chaque réglette indique la part de la classe d’âge, selon le sexe, en pourcentage de la population totale. La pyramide de 1947 montre à Watermael-Boitsfort un déficit très marqué des 30-34 ans par rapport à la Région de Bruxelles-Capitale des 30-34 ans : au déficit général de naissances durant la Première Guerre mondiale s’ajoute ici l’effet d’une réduction de l’immigration résidentielle durant la Seconde. En revanche, si les adultes de 35 à 49 ans ne sont pas surreprésentés, bien au contraire, ceux qui parmi eux ont immigré dans la commune avant la Guerre l’ont sans doute fait à la recherche d’un cadre favorable à des familles avec enfants : ce qui explique la surreprésentation des enfants et adolescents. En 1961, la commune reste privilégiée pour les migrants résidentiels avec enfants. À l’inverse, en 2002, on observe un net déficit de jeunes et surtout d’adultes de 20 à 39 ans. Cette situation aboutit en 2024 à une commune nettement vieillie : peu de jeunes de 0-14 ans et surtout un grand déficit de 25-49 ans : la migration résidentielle vers Watermael-Boitsfort s’est tarie, faute de disponibilités à des prix accessibles.Toutes les classes d’âge à partir de 50 ans sont maintenant surreprésentées, d’autant plus évidemment chez les femmes, qui ont une meilleure espérance de vie aux âges élevés.
Cartes 4 et 5. Part des 0-17 ans et des 65 ans et plus dans par quartier dans la Région de Bruxelles-Capitale (2023).
Source : Monitoring des quartiers IBSA.
Les quartiers de Watermael-Boitsfort sont parmi les plus vieillis de la capitale, situation partagée par de nombreuses autres zones de la frange externe de la Région, en particulier dans le quadrant sud-est aisé : faible proportion de personnes issues de l’immigration depuis les pays pauvres et faible gentrification par des jeunes adultes (mais souvent sans enfants), telle que celle que connaissent les quartiers de la première couronne des faubourgs denses de l’est et du sud-est de Bruxelles. Les prix élevés de l’immobilier freinent aussi un rajeunissement par arrivée de jeunes ménages avec enfants. Allant de pair avec ce vieillissement, on compte de nombreuses maisons de repos. Dans le détail, le léger rajeunissement observé à Boondael entre 2002 et 2013 pourrait s’expliquer en partie par la construction de la cité Akarova et de même l’impact des nouvelles règles d’accès au logement social pourrait avoir entraîné le léger rajeunissement du quartier des Trois Tilleuls entre 2013 et 2024. Watermael apparaît nettement plus vieilli que Boitsfort, ce qui résulterait en partie de processus de gentrification au Coin du Balai et dans le centre historique de Boitsfort à la fin du XXe siècle, phénomène dont les effets en termes de structure d’âge s’épuisent toutefois peu à peu aujourd’hui.
Ce vieillissement combiné à une structure sociologique favorable à une fécondité plus faible que la moyenne régionale induit un solde naturel négatif (- 2,4 %o, contre + 6,3 %o au niveau régional en moyenne annuelle sur la période décennale 2014-2023). Le solde migratoire intérieur est en revanche positif, à la différence de l’ensemble de la Région (+ 3,6 %o contre – 13,5 %o) : on part bien moins de Watermael-Boitsfort vers la périphérie que des communes plus denses de la Région. Seules 4 communes de la Région ont bénéficié d’un tel solde migratoire intérieur positif sur la période décennale : Uccle (2 229 personnes), Watermael-Boitsfort (896), Evere (871) et Woluwé Saint-Pierre (50). En revanche, la commune accueille beaucoup moins d’immigration depuis l’étranger : un solde annuel moyen à l’international de + 2,8 %o contre + 14,5 %o pour l’ensemble de la Région. Il résulte de ces bilans une très légère croissance de la population au cours de 10 dernières années (une moyenne de + 4,0 ‰ par an), toutefois nettement moindre que celle de la Région (+ 7,2 ‰).
La population étrangère et d’origine étrangère
On a déjà dit que la population d’origine étrangère est nettement moins présente à Watermael-Boitsfort que dans la Région en général, et est surtout originaire de pays européens. Elle n’a donc pas contribué à un rajeunissement de la population.